Lors d’un accident, de la circulation ou médical par exemple, la victime peut être perturbée dans sa sexualité voir privée de rapports sexuels. Il s’agit du préjudice sexuel distinct résultant le plus souvent d’une atteinte à l’intégrité physique mais aussi de répercussions psychiques. La notion de préjudice sexuel (I) traduit son autonomie relative (II).
I- La notion de préjudice sexuel
Ce préjudice est défini par la jurisprudence comme l’impossibilité totale ou partielle pour la victime de procréer ou d’entretenir des rapports sexuels normaux. Le préjudice sexuel est, au regard de la nomenclature Dintilhac décliné en trois types de préjudices. Il peut y avoir un préjudice morphologique (atteinte aux organes sexuels). Ou encore le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui est un préjudice moral de perte de plaisir, c’est-à-dire la perte de capacité physique à réaliser l’acte ou la perte de la libido. Enfin, il peut s’agir du préjudice de procréation qui se traduit par l’impossibilité ou la difficulté à procréer. Toutes ces atteintes forment le préjudice sexuel.
Ce préjudice n’est pas difficile à prouver lorsqu’il y a une atteinte à un organe sexuel, en revanche, il sera plus difficilement démontrable en cas de perte de libido, il faut un lien de causalité certain entre la perte de libido et le dommage. Concernant le préjudice du conjoint, il était à l’origine considéré comme un préjudice moral, mais pas comme un préjudice sexuel. Cependant il y a eu un revirement de jurisprudence et les juges s’accordent désormais à indemniser ce préjudice pour le conjoint lorsqu’il y a un lien direct entre le dommage qu’il subit par ricochet et ledit préjudice (ex : CA Montpellier, 5 févr. 2019 n° 16/02983 ; CA de Rennes, 4 mai 2016 n° 14/05269).
Concernant le barème d’indemnisation, l’association d’aide aux victimes chiffre l’indemnisation de 500 à 1000 euros, limité à 60 000 euros pour le préjudice le plus grave, toutes les gradations sont possibles. Le juge tranchera notamment en fonction de l’âge, du sexe, de la situation de famille et de l’importance du préjudice. Le préjudice est chiffré à 2000 euros pour une difficulté à réaliser l’acte sexuel en raison des douleurs multiples et à 60 000 euros lorsque qu’il n’y a plus aucune activité sexuelle envisageable.
II- L’autonomie relative du préjudice sexuel
Le préjudice sexuel est à distinguer de plusieurs notions voisines, il est d’abord distinct du préjudice d’agrément, pouvant se définir comme l’impossibilité de pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisir... A l’origine, les juges du fonds n’indemnisaient pas ce préjudice indépendamment du préjudice d’agrément (2ème civ, 11 sept. 2003, no 01-10.663). Désormais, un tel préjudice est indemnisé à part entière, distinctement du préjudice d’agrément (2ème civ, 28 juin 2012, no 11-16.120). En outre, il ne faut pas le confondre avec le préjudice d’établissement. Le préjudice sexuel peut correspondre à l’impossibilité de procréer, ce qui peut mener à des confusions, puisque le préjudice d’établissement se définit comme la difficulté ou l’impossibilité, du fait d’un handicap, de mener un projet de vie familiale. Même si ces deux préjudices peuvent paraitre proches, ils doivent être indemnisés séparément (2ème civ, 12 mai 2011, no 10-17.148).
Concernant enfin l’articulation entre ce préjudice et le déficit fonctionnel, la cour de cassation considère que le préjudice sexuel temporaire est inclus dans la réparation du déficit fonctionnel temporaire (2ème civ, 11 déc. 2014, no 13-28.774). Néanmoins, l’autonomie dudit préjudice ne fait aucun doute, la haute juridiction considère depuis plusieurs années que ce préjudice est autonome vis-à-vis du préjudice fonctionnel permanent (2ème civ, 12 mai 2005, no 04-14.018). Enfin, il convient de préciser que la victime peut demander au juge que son préjudice sexuel soit inclus dans son préjudice fonctionnel permanent (2ème civ, 19 nov. 2015, no 14-26.419).
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