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Indemnisation des blessures sur un terrain de sport : Du risque accepté à la faute dangereuse

  • Photo du rédacteur: Julien DAMAY
    Julien DAMAY
  • 29 oct.
  • 4 min de lecture

Deux joueurs amateurs de football en action lors d’un tacle, illustrant la frontière entre le risque accepté du jeu et la faute dangereuse engageant la responsabilité civile.
Blessure sur un terrain de sport : risque accepté ou faute dangereuse ?

Chaque week-end, sur les terrains des milliers de joueurs, amateurs pour la plupart, s’affrontent avec intensité. Mais quand un geste ou une faute dépasse les limites du jeu et provoque une blessure grave, se pose la question du responsable de l'indemnisation : le joueur fautif et son club peuvent-ils être tenus responsables ? Cet article revient sur les fondements de cette responsabilité, ses limites, et ses particularités dans le sport amateur et professionnel.


I – Le cadre juridique : entre esprit du jeu et article 1240 du Code civil


La responsabilité civile du joueur fautif repose sur l’article 1240 du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Lors d'une compétition sportive, la jurisprudence considère que pour ouvrir droit à l'indemnisation des blessures, la faute doit être caractérisée par une violation grave ou délibérée des règles du jeu.

Une simple maladresse ou un excès d’engagement ne suffisent pas à engager la responsabilité civile.

Exemple : lors d’un match amateur, un joueur effectue un tacle par derrière avec les deux pieds décollés. Son adversaire souffre d’une fracture tibia-péroné. La Cour de cassation confirme la faute civile, le geste excédant les risques normaux du football. (Civ. 2e, 29 août 2019, n° 18-19.700)


II – Le club peut-il être responsable ?


Selon l’article 1242 du Code civil, les associations sportives peuvent être responsables des dommages causés par leurs membres, à condition qu’une faute caractérisée soit établie (Cass. plén., 29 juin 2007, n° 06-18.141). Le club ne peut s’exonérer que s’il prouve l’absence de faute grossière ou la présence d’une cause étrangère.

La sanction disciplinaire (carton rouge, suspension fédérale) ne suffit pas à prouver la faute civile. Le juge civil conserve une appréciation autonome : il doit constater une violation concrète et grave des règles du jeu.


III – Le principe du risque accepté : une limite à l’indemnisation


Tout sportif accepte les risques normaux et prévisibles du jeu auquel il participe, inhérent à la pratique sportive et qui s'apprécie concrètement en fonction de la discipline pratiquée.

Ce principe limite le droit à indemnisation. Il protège les joueurs et leurs assureurs contre les réclamations liées à des blessures inhérentes à la pratique du sport sauf lorsque la victime démontre le caractère particulièrement dangereuse de la violation des règles du jeu.

L’acceptation des risques ne s’étend pas aux comportements déloyaux, brutaux ou manifestement contraires à l’esprit du jeu (Cass. 2e civ., 20 nov. 2014, n° 13-23.759).

En revanche, la faute civile n’est pas nécessairement intentionnelle et la relaxe du joueur prononcée au pénal ne fait donc pas obstacle à la reconnaissance d’une faute civile de nature à engager la responsabilité de son auteur.


IV – La preuve de la faute : des éléments concrets exigés


Les décisions des arbitres sportifs ne s’imposent pas aux juges civils, qui restent libres d’apprécier si le comportement du joueur a constitué une faute caractérisée par une violation des règles du jeu, indépendamment de la décision prise par l’arbitre et de la sanction sportive.

Il analyse les témoignages, les rapports d’arbitre, les vidéos et les règlements techniques. Ces éléments permettent de déterminer si le geste constitue une violation grave des règles du jeu.

Exemples jurisprudentiels :

- Cass. 2e civ., 29 août 2019 : tacle dangereux, faute caractérisée

- Cass. 2e civ., 20 nov. 2014 : geste mettant en danger l’intégrité physique, responsabilité retenue.

- CA Lyon, 27 févr. 2002 : joueur suspendu, club et joueur condamnés.

- CA Aix-en-Provence, 17 avr. 2013 : plaquage sans ballon


V – Sport amateur vs sport professionnel : la même règle, des enjeux différents


Les clubs professionnels, qui sont employeurs des joueurs, sont responsables de plein droit des dommages causés par ceux-ci, notamment à des joueurs adverses. Cette responsabilité est subordonnée à la preuve que le joueur a lui-même causé une faute de nature à engager sa responsabilité.

Dans le sport professionnel, les clubs souscrivent des polices spécifiques : responsabilité civile professionnelle, garantie accident corporel, ou encore assurance « corps de joueur ». Le joueur professionnel, en tant que salarié, pourrait aussi invoquer l’obligation de sécurité de l’employeur.

Dans le sport amateur, les clubs sont tenus, selon l’article L321-1 du Code du sport, de souscrire une assurance responsabilité civile couvrant les dommages causés aux tiers. Une assurance individuelle accident peut compléter cette couverture.


VI – En résumé : la ligne de démarcation


Situation

Risque accepté

Responsabilité engagée

Choc involontaire dans une action de jeu

Risque accepté

Non

Tacle dangereux / plaquage à la tête

Non

Oui

Faute technique sans violence

Risque accepté

Non

Brutalité manifeste, hors action de jeu

Non

Oui

VII – Ce qu’il faut retenir


• La faute civile suppose un geste anormalement dangereux ou déloyal.

• La sanction sportive ne suffit pas à prouver la faute civile.

• Les clubs doivent être assurés, et les sportifs peuvent souscrire une assurance complémentaire.

• C’est à la victime de prouver que la faute est particulièrement grossière et dangereuse. Les preuves concrètes (vidéos, témoignages) sont déterminantes.

• Dans le sport professionnel, le club est tenu d’une obligation de sécurité renforcée.


VIII – Références utiles


circulaire 12.05 de juillet 2011 de la Fédération française de football

Code civil, art. 1240 et 1242

Code du sport, art. L321-1 et L331-9

Cass. ass. plén., 29 juin 2007, n° 06-18.141

Cass. 2e civ., 29 août 2019, n° 18-19.700 (football : reconnaissance d’une faute grossière)

Cass. 2e civ., 20 nov. 2014, n° 13-23.759



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